La vie (extra)ordinaire
Partir en vadrouille, préparer son départ, lire un bon livre, prendre son café après le déjeuner ;
avoir un enfant, un autre, se marier, faire un footing, essayer de réfléchir, vivre la vie qu'on s'est imaginée, penser comme tout le monde, rêver d'écrire, commencer, s'arrêter, penser au prochain repas ;
faire une liste de courses, ritualiser le coucher, lire une histoire, rêver d'une heure de calme, regretter les éclats de rire ;
repenser à hier, imaginer demain, être angoissée par le bonheur qui est là parce qu'il est éphémère ;
savoir que rien ne dure, que tout passe, compartimenter, faire des tupperware ;
reprendre du dessert, faire un énième régime, réfléchir à la rentrée, mettre le réveil, penser au départ au moment de l'arrivée, penser à l'arrivée sur la ligne de depart ;
se dire que nos mots-là des milliers les ont dit, se dire que notre texte vite passera, penser à ce qui marque, ce qui reste ;
corner les pages et recopier ces passages écrits spécialement pour soi, on le sait, elle les a écrits pour nous parce que c'est exactement ça ;
recommencer la phrase dix fois pour répondre à la question existentielle de "où est le feutre vert ?" et ne plus savoir si ça valait la peine de le dire, peut être pas, mais vouloir aller au bout...
Parce que ces moments-là sont précieux et universels.
Parce que dans l'ordre parfois ça fait du bien aussi, et le changement nous rend vivants.
Parce que tenter d'être au plus près de ses pensées, de son amour, et le dire, et les dire, ces mots ordinaires qui rendent le monde extraordinaire, les dire et les redire pour s'en souvenir plus tard.
Choisir. Et toujours, savoir repartir...
Un délicieux moment avec Adèle Van Reeth
Un texte important, essentiel, qui réveille et interpelle...
Belle journée dans les livres !
[essai] La Vie ordinaire, Adèle Van Reeth, Gallimard, 04/06/2020, 192 pages, 16 €