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Portrait d'Emilie de Turckeim

Portrait d'Emilie de Turckeim

D'abord j'ai remarqué ses cheveux. C'est bête, mais j'étais derrière elle à cette présentation de la rentrée littéraire de Calmann-Levy, et je me suis seulement dit qu'elle avait une belle chevelure. Que quand on avait une chevelure comme celle-là, on était toujours très belle.
Puis très vite, elle a été invitée à se lever pour parler de son livre.

Elle était belle. Elle parlait vite, comme si les mots débordaient d'émotion dans son ventre et couraient jusqu'à sa bouche. 

Le Prince à la petite tasse raconte l'accueil dans la famille d'Emilie de Turckeim, l'auteur, de Reza, jeune homme de 22 ans, d'origine afghane. Migrant.

Je ne sais plus à quel moment j'ai commencé à pleurer.
A la lecture de l'extrait. 6h du matin quand Reza se fait silence se fait obscurité pour ne pas surtout pas déranger qui que ce soit dans l'appartement. 
Sur l'histoire de sa fuite, depuis ses 10 ans, sans père, sans mère, sans frère ni sœur.
Sur tous les pays traversés, seul, et le mot de Marius, le petit garçon de l'auteur "la chance!"
Quand elle a parlé de la langue. Oui. La langue est un pays, un lieu. Quand on est chassé, privé de sa langue, c'est un coup de poing dans la gueule. 
Quand elle a dit il n'y a pas de migrants. Il y a une personne prise dans un courant violent. Avec ses souvenirs d'enfance, sa mère qui refait la paillasse le matin. Ses rêves. Ses larmes.
Que personne n'espère survivre. Même dans la guerre, les errances, les douleurs, les pertes, on veut vivre en grand, en entier, intensément. 
Quand elle a dit que le mot migrant, avec le r légèrement roulé, était un des plus jolis mots de la terre. Celui qui raconte le plus grand courage.

A la fin elle s'est rassise. J'ai laissé mes yeux dans ses cheveux et j'ai entouré 10 fois le titre du livre sur mon carnet.

A lire d'urgence.

 

Le Prince à la petite tasse, Calmann-Levy, 16 août 2018, 216 pages, 17 € / EAN 9782702158975

Dolly Choueiri, Libraire
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